vendredi 22 septembre 2017

Marina Hands / “j’adore ceux qui transgressent”

Marina Hands“j’adore ceux qui transgressent”

Par Viviane Chocas | Le 11 août 2007

Après «Lady Chatterley», elle incarnera Coco Chanel

Éblouissante de naturel et de sensualité dans Lady Chatterley, qui lui valut un césar, Marina Hands aime les rôles qui s’éloignent de la morale convenue. Elle sera bientôt sous les projecteurs dans la peau de Coco Chanel.
Elle est toute en lignes, Marina Hands : ligne des yeux, en amande, ligne des jambes, interminable, ligne des hanches, féline, ligne de chance, resplendissante… Cette jeune femme, à la fois légère et profonde, s’asseoit dans un fauteuil du bar du Lutetia à Paris, commande une orange pressée et nous dit d’emblée qu’elle a tout son temps. En parlant, doucement, avec ce rythme si particulier qui donne de l’éclat autant que de l’aspérité à ses mots, elle est précise, attentive. Et soudain elle s’égare dans un rire qui éclot comme s’il lui brisait la gorge avec de l’eau. Pure. Lumineuse.
« Ça fait réfléchir… » Cette phrase revient chez elle comme un refrain. Cultivée, extrêmement, ancienne cavalière aussi, presque jusqu’à l’excès, Marina Hands, après avoir si nécessairement incarné Lady Chatterley pour la réalisatrice Pascale Ferran, puis Ysé au théâtre, dans Partage de midi, de Claudel, aura un automne chargé. Un tournage, où elle deviendra Coco Chanel (pour Coco et Igor, de William Friedkin), puis la scène de la Comédie-Française à nouveau, dans les habits de Célimène, pour une reprise du Misanthrope, de Molière (en février 2008). Avant cela, Marina Hands profite de quelques jours de pause, à peine, en passant par La Baule et ses souvenirs d’enfance. Avec nous, elle parle de son amour de la vie, de ses rôles, d’un métier qui la gâte, de ses parents – la comédienne Ludmila Mikaël et le metteur en scène Terry Hands –, de son coeur qui balance entre Londres et Paris.
Madame Figaro. – Le succès de Lady Chatterley, celui de Partage de midi à la Comédie-Française, des tournages et le théâtre encore pour la rentrée… Besoin de vacances ?
Marina Hands. – Je ne pense qu’à ça, je l’avoue ! J’ai quinze jours de vacances cet été, ça va être bien. Il y a une agitation nerveuse liée au fait de jouer, à cette tension émotionnelle et physique, à cette pression qui entoure les rôles… alors oui, c’est important de se poser.
Que faites-vous quand vous ne faites rien ?
– Un rattrapage de sommeil, d’abord. Je prends le temps de voir des amis, d’aller en pleine nature, le plus possible. J’ai besoin de calme, de retraite, de retrouver le rythme du quotidien, de me lever et de me coucher tôt, de bien manger…
La plage de votre enfance, ce fut donc La Baule ?
– C’est un endroit lié à ma mère, qui aimait partir à La Baule en vacances. J’allais au club de plage l’Albatros, où je passais mon temps à faire du trampoline. Et j’aimais tant les pins…

Rencontre (II)




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Pull (Caroll), bague (Pianegonda).
Est-ce là que vous avez découvert le cheval, et une passion pour l’équitation ?
– Très vite je suis allée voir les poneys, puis les chevaux. Et mon adolescence a été marquée par ce grand rendez-vous équestre. Comme je suis très mono-maniaque, c’était chez moi une passion féroce, dévorante ! C’est un art véritable, d’ailleurs on parle d’art équestre, voilà pourquoi je crois beaucoup aux vertus thérapeutiques des chevaux, auprès des handicapés, des enfants autistes aussi. Pendant des années, l’équitation a fait partie de mon équilibre. Puis j’ai arrêté à 19-20 ans,
prise dans une spirale de compétition, de discipline, où finalement peut-être je n’étais pas à ma place.
J’ai eu alors un temps de deuil, vraiment, de difficulté.
Une mère française, un père anglais : comment avez-vous grandi entre deux langues, deux cultures ?
– Le français est ma première langue, la plus évidente, et en même temps je préfère mes origines anglaises, j’idéalise absolument tout là-bas, je ne suis pas du tout objective ! Les Anglais construisent des ponts entre le passé et le présent sans complexes.Je me sens bien à Londres, où un punk dans le métro ou au restaurant cohabite avec une dame qui ressemble à la reine d’Angleterre dans une totale simplicité. Les Anglais ont une culture de la différence. À Paris, je ressens moins d’ouverture. Je viens d’une famille où se mêlent aussi l’Espagne, la Grèce, la Russie, l’Allemagne, et je me sens
composée de tout cela, j’adore ça !
Quelles autres richesses retenez-vous d’eux ?
– Cultiver une absence totale de jugement, un regard ouvert… Cela fait partie de mon éducation. Mes parents sont partis de rien, et m’ont transmis avec beaucoup de douceur cette capacité à s’enthousiasmer qu’ils sont allés chercher en dehors de leur condition. Un rapport essentiel à la vie.
Votre corps, décidé, votre voix, claire et puissante, votre présence, la lumière que vous dégagez… À l’écran ou sur scène, tout cela crée chez vous un condensé de force, de détermination ! Où se cache votre fragilité ?
– C’est drôle ce que vous dites, je me sens tellement fragile… Je pense qu’il y a quelque chose qui relève d’une nécessité pour moi dans l’expression artistique, un tel besoin qu’il se transforme peut-être en une énergie… Mais ce besoin de dire, de montrer, d’exprimer, il part bel et bien d’une fragilité. Jouer me nourrit, me donne la sensation d’exister. Je suis dans une exaltation des sens quand je travaille ! Dans quelque chose qui est tourné vers la lumière, même quand je joue des personnages tragiques, qui sont pour moi des personnages de vie contrariée, de désir contrarié. C’est cruellement humain alors, et c’est pour ça que la tragédie m’émeut…

Rencontre (III)




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Marina Hands porte une robe Alberta Ferretti, bague (Karry’O).
Vous avez évoqué la difficulté, la pudeur à jouer des scènes physiques dans Lady Chatterley. Votre corps est-il devenu votre allié ?
– Je m’en sers beaucoup dans mon travail, j’aime décider si je compose un corps rigide ou souple pour tel ou tel personnage… Après, au niveau de l’image, mon corps n’est pas un allié, mais pas du tout ! Je n’ai pas un regard. Enfin je n’aime pas trop me voir, comme beaucoup de femmes, voilà quoi. Mais dans le travail oui, mon corps m’aide, ce qui fait que j’avale la couleuvre quand je me vois. J’aimerais… enfin il y a des actrices beaucoup plus libres par rapport à cela.
De l’amour, Claudel fait dire à Ysé, votre personnage dans Partage de midi : « Il ne faut pas comprendre, il faut perdre connaissance. » Osez-vous l’abandon ?
– Perdre connaissance… je ne sais pas si j’en suis capable. Ysé provoque tout le monde sur la question de l’amour. C’est pour cela qu’elle est tellement fascinante, intéressante.
L’amour vous tourmente-t-il ?
– Il me questionne. Éternellement! J’ai l’impression que ça s’apprend, que c’est un art ! Ce que Lawrence nous en dit est magnifique, mais c’est un idéal ! Constance Chatterley pour moi est une sorte d’héroïne presque inhumaine dans sa maturité, dans son ouverture à elle-même et au monde, même si elle a parfois l’air d’avoir quatorze ans ! Je me sens plus proche de la mauvaise foi, des contradictions, de la jalousie, bref de l’immaturité d’Ysé. Quand je ne travaille pas, je passe des heures à observer les gens au café. Et ce qui est beau, ce sont leurs aspérités, précisément. C’est pareil avec mes personnages, j’adore ceux qui transgressent une certaine morale, car ils vous obligent à réfléchir, avec une tendresse pour eux. J’ai entendu des jugements terribles sur Ysé, on m’a dit : « elle fait des choses épouvantables, elle abandonne son mari, ses enfants. » Oui… mais
elle court après son bonheur.
Et vous ?
– À 30 ans, c’est pour moi bien plus agréable qu’à 20. Je n’ai pas eu la vingtaine facile, je suis plus apaisée aujourd’hui.


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